Le paysage est enchanteur. C’est un plateau fleuri de Haute-Provence, un
camaïeu de couleurs, le violet des sauges, le rose du sainfoin et le blanc des
marguerites, où se découpe la silhouette harmonieuse d’un hêtre fier, enveloppé
d’un ciel bleu moutonné de nuages. Le hêtre du Contadour fait face à
la montagne de Lure. Il a surtout fait face, jadis, aux saisons de production de charbon de
bois des bouscatiers piémontais, quand le plateau tenait une place prépondérante dans
la vie agropastorale des hommes de la région. Aujourd’hui, les troupeaux désertent peu
à peu les pâtures, les petites bergeries de pierres sèches parsemées sur le plateau sont
désormais vouées à la découverte touristique.
Le hêtre, lui, est toujours là, d’une beauté fascinante et sans apprêt, simple. Les cinéastes
ne s’y sont pas trompés, faisant des lieux un site de tournage autour de l’oeuvre de Jean
Giono : Crésus, de Jean Giono lui-même, en 1960, Le hussard sur le toit, de Jean-Paul
Rappeneau, en 1995, ou encore Les âmes fortes, de Raúl Ruiz en 2001. On comprend
facilement pourquoi.
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Dans la verdoyante vallée granitique du Chambon, où coule la Tardoire,
les premiers contreforts métamorphiques du Limousin, prémices du
Massif central, viennent embrasser les plats calcaires de la Charente.
Dès l’arrivée dans la vallée, un arbre majestueux attire irrésistiblement
le regard en dépassant de très haut le toit des bâtiments : c’est le platane du Chambon,
dont le reflet ondule paisiblement en surface de l’étang tout proche. Cet arbre est devenu
l’emblème du Centre de plein air du Chambon.
Ici, à quelques kilomètres de la Dordogne et de la Haute-Vienne, on accueille des groupes
organisés et plus particulièrement des enfants, pour l’initiation et la pratique de sports
de nature tels que le kayak, l’escalade ou encore la spéléologie. Environ 15 000 personnes
à l’année viennent ici : c’est dire si cet arbre voit passer du monde ! Il est le point de rendez-
vous pour le départ des groupes, un point de repère, celui que l’on cherche inconsciemment
du regard pour se situer, celui sous lequel on aime se retrouver tout au long
de la journée : il est le rassembleur.
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Nous sommes à Filitosa, un haut lieu de la préhistoire, là où des hommes ont
patiemment sculpté et érigé dès le néolithique des statues, des menhirs
et des torre (monuments circulaires). C’est le plus grand centre archéologique
de Corse, qui marque de manière évidente l’apogée de l’art statuaire
et du mégalithisme en Méditerranée. On s’interroge encore aujourd’hui sur la fonction
précise de ses statues, qui représentent souvent des guerriers en arme. Les plus hautes
atteignent ici les trois mètres.
En ce début de matinée, encore délicieusement frais, seul le gobemouche gris se fait
entendre. Le lieu invite au silence. Dans la partie supérieure du site, on remarque cinq
statues-menhirs inscrites dans un demi-cercle et semblant ceinturer un arbre, dont on
n’arrive pas à deviner le tronc à distance. On s’approche alors et on découvre que cet arbre,
un olivier, est enraciné là depuis bien longtemps, sans doute plus de mille ans. Entouré
par près de huit mille ans d’histoire de l’homme sur l’île de Beauté, il peut prétendre lui
aussi à être un formidable et séculaire monument.
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Le tilleul de la danse (« Tanzlide » localement) a été planté en commémoration
des privilèges accordés par l’État autrichien à la ville de Bergheim : c’était
en 1313, ce qui fait de lui le doyen des arbres du Haut-Rhin.
La tradition rapporte que des concours de danse étaient déjà organisés sous
son ombre dès le XIVe siècle. En 1848, le comité de la Révolution a prononcé ses discours
pour la liberté à son pied. Puis, jusqu’en 1902, il fut de toutes les fêtes publiques et de tous
les discours politiques. C’est un arbre éminemment historique. Il a la magnificence de
ceux qui ont traversé le temps, mais aussi les fragilités de son grand âge, surtout depuis
un incendie volontaire en 1917. L’arbre arrive en fin de vie et seule une grosse branche est
encore vivante, étayée par des barres métalliques et colmatée. Diminué certes, mais toujours
volontaire, il procure un ombrage généreux à de fidèles retraités qui l’ont adopté et
s’y retrouvent chaque belle journée. Arbre à palabres un jour, arbre à palabres toujours…
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Le raisinier bord de mer est un petit arbuste qui vit le long des côtes de
l’Amérique tropicale et dans les Caraïbes. Comme il a la faculté de résister
aux embruns, il s’adapte très bien au littoral et est souvent planté le long des
rues dans les régions côtières, comme protection contre le vent ou comme
haie ornementale. Les fleurs blanches odorantes donnent naissance, en février et mars,
à des grappes de fruits violet foncé qui ressemblent à des raisins. Ils sont comestibles et
peuvent être transformés en confiture ou ajoutés au rhum.
Cet arbre au tronc tortueux, portant de larges feuilles en forme d’éventail, avait jadis un
ami d’enfance, un autre raisin de mer, qui fut emporté par une houle déchaînée comme on
n’en avait jamais vu dans la baie. Depuis près de dix ans, il reste seul face à la mer, offrant
généreusement sa délicate silhouette au crépuscule à toutes celles et ceux, nombreux, qui
viennent admirer chaque soir le coucher de soleil.
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Alors qu’ils s’activent depuis plusieurs mois déjà à débroussailler une grande
prairie abandonnée, les propriétaires de ce qui va devenir l’Arboretum
des Grandes Bruyères découvrent ce chêne âgé probablement de plus de
200 ans. On imagine leur émotion face à cet arbre harmonieux, dont le
port bien étalé indique qu’il n’a pas manqué de lumière. Cela devient alors une évidence :
l’arbre va devenir la pierre angulaire de l’arboretum qui va se déployer tout autour, petit
à petit, plantation après plantation, au fil des ans. Aujourd’hui, le chêne trône au milieu
d’un ensemble de plus de 7 500 arbres et arbustes, conservés sans l’utilisation d’aucun
traitement chimique, ni engrais ni herbicide, parmi lesquels figurent plusieurs collections
nationales : magnolias, cornouillers américains et chinois, chênes d’Amérique du Nord
(tempérée) et conifères. Sans oublier une collection d’éricacées, des bruyères d’hiver,
des bruyères arborescentes et des bruyères locales, collection qui vaut à l’arboretum son
nom de « Grandes Bruyères ». Le parc-arboretum est aussi la première Réserve naturelle
volontaire créée en France : tout est en place pour que le chêne grandisse et vieillisse
sereinement.
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Entre Limagne et Livradois, le pays de Billom s’ordonne harmonieusement
entre cultures et prairies, vallées et collines, un paysage qui rappelle les rondeurs
lumineuses de la Toscane : c’est la « Toscane d’Auvergne ». Le vocable,
dit-on, remonterait à la Renaissance, lorsque la reine Catherine de Médicis
surnomma cette région qui lui rappelait tant sa Toscane natale par ses paysages vallonnés,
la douceur de son climat et son architecture méridionale.
Au coeur de ce pays aux maisons en pisé couleur de moisson coule une petite rivière, le
Madet, qui serpente entre les buttes volcaniques boisées. Aux alentours, de nombreuses
ruines de moulins, des vignes et des jardins en terrasses, des vergers et des châteaux, plus
ou moins marqués par le temps et les hommes, perchés sur des éminences de basalte. Et
puis ce chêne enchâssé dans son rocher de granit creusé d’une cupule. On y imagine volontiers
des rassemblements ancestraux, de paisibles palabres et de secrets conciliabules. Ce
matin, ce sont les membres de l’Association de protection et de la promotion de la vallée du
Madet qui oeuvrent pour « transmettre le témoignage du passé aux générations futures »,
qui s’assoient un instant sous le chêne, comme ils le font régulièrement, à l’abri des feuilles
et des deux troncs, dont l’un porte comme un oeil bienveillant.
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En sursis : voilà la situation du robinier faux-acacia de Larchant, au pays
Beauce Gâtinais en Pithiverais. Dans un secteur d’agriculture très intensive,
sous les continuels effluves carbonés et azotés des gaz d’échappement, sans
autres compagnons verticaux que d’innombrables pylônes électriques et
panneaux : voilà la situation vraiment peu enviable de notre arbre. On lui prédit même
un futur rond-point, qui pourrait sonner son glas, car ce seul arbre à des centaines de
mètres à la ronde va sans doute gêner. Notre monde ne tourne pas rond.
Pourtant, ce robinier mériterait un certain respect. Mais pas à la façon de ces vandales
qui, en 2011, l’ont attaqué à la tronçonneuse, ce qui lui vaut aujourd’hui une lourde prothèse
de métal et de béton armé… Visible à plusieurs kilomètres à la ronde, il marque
l’arrivée à Larchant, grand lieu de pèlerinage au Moyen Âge. Il pourrait avoir été planté
par Jean Robin (1550-1629), herboriste au service successif des rois Henri III, Henri IV et
Louis XIII, qui importa les premiers robiniers en Europe. Ce qui en ferait l’un des plus
vieux spécimens de France. Respect, vous avez dit respect ?
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Forme buissonnante et silhouette en échasse, positionné seul en front de la
façade littorale, entre terre et mer, à proximité de l’embouchure de la Rivière
Salée qui sépare les deux principales îles de Guadeloupe, Grande-Terre et
Basse-Terre, on reconnaît le palétuvier rouge de Jarry au premier coup d’oeil.
Il nous rappelle qu’avec près de 8 000 ha de mangroves, l’écosystème le plus productif
en biomasse à travers le monde, la Guadeloupe abrite la plus grande forêt humide des
Petites Antilles. Ni plus ni moins.
Et la mangrove est ici au coeur de la vie des hommes et de leurs croyances. En Guadeloupe, le
bois des palétuviers était utilisé pour produire du bois de chauffe, ses feuilles vertes étaient
préconisées pour les femmes après l’accouchement et l’extrémité des tiges, qui n’ont pas, elles,
de contact avec l’eau de mer, s’employait contre les maux dentaires. La mangrove, cette forêt
à l’allure inquiétante, a servi de refuge aux « Neg’Marrons », les esclaves qui ont lutté pour
leur liberté en fuyant la propriété de leur maître. S’échapper dans cet espace inhospitalier
leur permettait de perdre les chiens lancés à leur poursuite. Pour se protéger des piqûres
d’insectes, les « Neg’Marrons » s’enduisaient de la vase de la mangrove donnant naissance
dans l’imaginaire à d’effrayants zombies, les fameux « soukounians ».
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Le zamana, ou arbre à pluie, a été largement introduit en Asie du Sud-Est et
dans certaines îles du Pacifique. En Martinique, il servait autrefois à abriter les
plantations de caféiers et de cacaoyers, grâce à son port très large et sa forme
comparable à celle d’un parasol. En cas de pluie, ses folioles se replient sur
elles-mêmes et permettent aux gouttes d’atteindre le sol. Quand le soleil revient, les folioles
se déploient à nouveau : sous l’arbre, le sol reste ainsi frais et humide. Le zamana du parc de
l’Habitation Céron (une ancienne exploitation sucrière créée au XVIIe siècle), est répertorié
comme étant l’un des plus gros arbres visibles des petites Antilles : 10 personnes main dans
la main sont nécessaires pour faire le tour de son énorme tronc. Son magnifique houppier,
faits d’énormes branches moussues recouvertes d’épiphytes, couvre à l’aplomb une surface
de plus de 5 000 m2. Un arbre protecteur qui bénéficie lui-même d’une véritable douceur
et indulgence de la part des éléments : il a survécu à tous les cyclones ainsi qu’à l’éruption
volcanique mortelle de la montagne Pelée en 1902.
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