J’avais environ une centaine d’années en 1914 quand la Grande Guerre a commencé. Les obus et la mitraille ont eu raison de ma ramure, me laissant quasiment moribond. Mais la vie a été plus forte ; je suis reparti de mes racines pour devenir le hêtre à nouveau centenaire que voici.
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C’est un grand hêtre majestueux, au tronc court et épais, dont émergent des racines
puissantes qui agrippent le sol et quelques rochers. Il est solidement ancré dans une
pâture du petit village de Chavagnac connue sous le nom de « Lou Deime », la dîme.
C’est à l’ombre de ce grand arbre que les paysans venaient jadis s’acquitter de leurs
redevances (la dîme était un impôt sur les récoltes) auprès du seigneur du château,
situé tout près. Le château date du XVe siècle et a été construit sur les ruines d’un édifice détruit
pendant la guerre de Cent Ans. On pourrait presque croire que notre arbre porte les traces de
ces réunions fiscales : c’est comme si les énormes racines ménageaient des places où l’on peut
s’asseoir confortablement, à plusieurs. Josette Alliot, qui a gardé ici autrefois les troupeaux, les
deux Michel et le chien Paco, membres de l’association Chavagnac Avenir, qui a proposé cette
candidature, s’y installent tout naturellement le temps d’une image. Josette nous confie son
souhait de faire perdurer ce rôle de rassembleur, elle voudrait que cet arbre continue à rassembler
et fédérer les habitants. Elle nous glisse que ce géant se situe exactement à mi-distance entre le
pôle Nord et l’équateur. On se dit que cette femme est chanceuse, qu’elle a trouvé son axis mundi.
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Voilà un arbre qui en a vu grandir, des enfants de la famille Bacou (rassemblée ci-contre, avec son doyen, 94 ans), propriétaire du coteau où le hêtre s’est hissé
à 25 mètres de hauteur voici quelques siècles ! Ses racines tentaculaires, telle une pieuvre autour de son imposant tronc, abritent leurs jeux depuis quatre générations.
Quelle petite fille n’a pas joué à la dînette dans une de ses niches ? Quel petit garçon ne s’est pas caché dans une de ses cavités ? Aujourd’hui encore, « l’aïeul » attire
toute la marmaille du village. Des aventures, il pourrait leur en conter. Comme ces torrents d’eau qui déchaussèrent ses racines lors d’un violent orage. C’était en 1875…
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Dans la petite commune forestière de Saint-Hubert, non loin de Metz, se cache un trésor. Au hasard d’une balade, Delphine Stegre, de l’association Hêtre vit vent, qui porte cette candidature avec la mairie, découvre un magnifique alignement d’arbres fait de hêtres, de chênes, de charmes, de houx…, il y a même un frêne tout à fait remarquable. Tous ces arbres poussent de part et d’autre d’un minicanyon constitué de petites falaises. Arrivé face à un beau hêtre, comme suspendu sur la paroi, l’émotion est difficilement descriptible. Outre son tronc parfaitement droit et son houppier vigoureux et équilibré, cet arbre trouve son originalité dans son implantation : son collet est situé en surplomb du chemin à environ six mètres de hauteur. Son aspect majestueux est renforcé par sa localisation, à l’endroit où les parois rocheuses de part et d’autre se rapprochent. Plus avant, on peut admirer son système racinaire très étendu et partiellement apparent, qui lui permet, comme à ses congénères alignés tout au long de ces petites falaises, de se maintenir et de se développer dans un contexte pourtant bien peu favorable. En effet, la paroi est composée d’une roche peu cohérente, le grès rhétien, dans laquelle la végétation a généralement du mal à s’installer durablement en raison de sa friabilité. Pourtant, depuis une centaine d’années, il reste malgré tout solidement ancré dans le sol, telle une magnifique et bienveillante Lorelei végétale.
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Le paysage est enchanteur. C’est un plateau fleuri de Haute-Provence, un
camaïeu de couleurs, le violet des sauges, le rose du sainfoin et le blanc des
marguerites, où se découpe la silhouette harmonieuse d’un hêtre fier, enveloppé
d’un ciel bleu moutonné de nuages. Le hêtre du Contadour fait face à
la montagne de Lure. Il a surtout fait face, jadis, aux saisons de production de charbon de
bois des bouscatiers piémontais, quand le plateau tenait une place prépondérante dans
la vie agropastorale des hommes de la région. Aujourd’hui, les troupeaux désertent peu
à peu les pâtures, les petites bergeries de pierres sèches parsemées sur le plateau sont
désormais vouées à la découverte touristique.
Le hêtre, lui, est toujours là, d’une beauté fascinante et sans apprêt, simple. Les cinéastes
ne s’y sont pas trompés, faisant des lieux un site de tournage autour de l’oeuvre de Jean
Giono : Crésus, de Jean Giono lui-même, en 1960, Le hussard sur le toit, de Jean-Paul
Rappeneau, en 1995, ou encore Les âmes fortes, de Raúl Ruiz en 2001. On comprend
facilement pourquoi.
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Au sommet du mont Cassel, autour duquel s’articule le charmant village éponyme, on découvre une splendide vue sur la campagne flamande. Par temps clair, il est possible de situer le littoral de la mer du Nord, les plaines de l’Audomarois, vers l’ouest, les autres monts des Flandres, à proximité, et même, vers le sud, les collines de l’Artois. L’altitude de 176 mètres est modeste, mais dans ce plat pays, cela suffit à ouvrir de larges panoramas où le ciel, la terre et la mer se confondent dans des horizons vaporeux qui ont fait jadis le bonheur des grands peintres flamands. Ce matin, le soleil vient apporter une lumière généreuse sur le jardin public, au sommet du mont, tandis que le hêtre pleureur, qui en occupe le centre, tente de conserver l’ombre sous ses branches retombantes. Classé « arbre remarquable » en 2021, on estime qu’il a été planté vers 1880. Aujourd’hui, il déploie un imposant ramage et son tronc difforme ne manque pas d’alimenter tout un bestiaire imaginaire, où chacun voit qui des têtes d’animaux qui des gargouilles. « Il est le témoin privilégié de la petite histoire des Casselois, qui viennent s’y recueillir, faire le plein d’énergie, se faire photographier à son pied, lors d’enterrements de vie de jeune fille ou de jeune garçon, d’un mariage ou d’une réunion de famille. De multiples clichés en témoignent », me confie Fabrice Duhoo, adjoint au maire, qui porte la candidature pour la commune. Le village s’est véritablement approprié cet emblème végétal, que la population a baptisé « l’arbre des rencontres », au terme d’un concours. C’est bien connu, les grands arbres sont des repères, comme des phares de l’humanité.
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Aucune histoire en particulier, mais c’est l’occasion de lui en donner une ! Je suis donc allée rencontrer
les jardiniers : cet arbre serait peut-être plus ancien que le parc Barbieux. On ne retrouve pas d’écrits
de cette époque. Initialement, en 1860, le site est destiné au passage d’un canal. Mais, par impossibilité
technique, le projet est abandonné et en 1878, il est décidé d’en faire un parc urbain.
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La meilleure ouvrière des Pépinières Lompret, c’est elle ! Voilà plus de 135 ans que cette « bonne mère » gigogne, comme ils la surnomment, leur fournit des greffes. Ce dur labeur lui a donné cette forme si étrange, et on dirait maintenant que ce hêtre pourpre se repose, étalant ses branches sur plus de 28 mètres. Parfait pour les petits acrobates de la dixième génération.
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Ce hêtre tortillard, c’est d’abord l’histoire d’une passion. Celle qui anime Martine et François Cornevaux lorsque, en 2004, ils acquièrent la Manufacture royale de Bains-les-Bains, un magnifique site industriel des XVIIIe et XIXe siècles… à restaurer entièrement ! Puis l’histoire d’une amitié.
Celle qui unit Martine et Annie Lhommée, la documentaliste du lycée Pierre-de-Coubertin, à Nancy, depuis les bancs de l’école. Enfin, l’histoire d’un coup de cœur. Celui des élèves de BTS
dudit lycée pour cet arbre qui se tortille dans tous les sens. Il y a quelques mois, ils avaient choisi Martine comme marraine ; ils sont devenus les parrains de son arbre.
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Très difficile pour nous de faire un seul choix. Mais cet arbre-ci est
particulièrement beau et original. Étant donné sa fragilité et sa délicatesse,
nous sommes dans l’obligation de le mettre en scène avec les éléments naturels.
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